L’avenir du Haut-Saint-François se situe dans les histoires que l’on raconte à nos enfants… C’est la leçon qui nous est dictée par L’Écho de Cookshire-Eaton et de ses environs, un groupe Facebook citoyen qui rassemble les gens autour de l’Histoire, mais surtout des histoires qui peuplent les greniers et les albums photos oubliés de plus de 1300 personnes. Initié par Jasmin Roy Rouleau et Jean-François Nadeau, natifs de Cookshire-Eaton, le groupe Facebook tente d’être le nouveau lieu d’échange du Haut-Saint-François. Ose le Haut s’est entretenu avec Jean-François Nadeau, historien, journaliste, chroniqueur au Devoir et écrivain, mais surtout un amoureux de la région du Haut-Saint-François qui l’a vu naître et, qui est pour lui, «aussi nécessaire que l’air».
« On ne peut pas se projeter vers l’avenir si on ne retient pas les traces de son passé. »
L’éternel retour aux sources
Né à Cookshire-Eaton, de parents enseignants, sa famille est présente dans le Haut-Saint-François depuis plusieurs générations. «L’histoire de ma famille est au fond celle d’une majorité de Québécois. Du côté maternel, ils ont colonisé de mauvaises terres avant de tenter de survivre aux États-Unis, dans les usines, du côté de Lowell. Mon arrière-grand-père a été souffleur de verre là-bas, avant de revenir. Petite ferme. Petits
emplois. Notamment au chemin de fer. Du côté paternel, c’est un peu le même schéma. Mon grand-père a conduit des autobus à travers les campagnes, du temps où le transport collectif voulait dire quelque chose. Il a tenté de gagner de l’argent avec une mine de quartz à Bulwer. Il y a laissé sa chemise. Et sa santé. Après, il a été répartiteur pour la police et a lavé des vitres.» L’héritage de sa famille se fait encore sentir sur la rue Principale à Cookshire, où l’édifice du Centre de services Desjardins se trouve. «Mon grand-père maternel a fondé la caisse populaire locale pour aider les agriculteurs dont il connaissait les conditions de vie difficiles.»
Même s’il travaille à Montréal, Jean-François Nadeau retourne, pratiquement à chaque semaine, dans les Cantons-de-l’Est, «son port d’attache». Pourquoi ce groupe communautaire baptisé L’Écho de Cookshire-Eaton et de ses environs? «Ce n’est pas sorcier. Il existait une autre page communautaire dont les codes d’accès s’étaient perdus. Il devenait impossible de la modifier pour la rendre plus dynamique et accessible au plus grand nombre. J’ai proposé d’en créer une nouvelle pour raviver tout ça. Et la réaction, je dois dire, a été étonnante! Vous avez vu ça? C’est devenu le rendez-vous pour savoir ce qui se passe autour de Cookshire-Eaton et pour retrouver son coin de pays. C’est en fait bien plus que du partage de photos et d’histoires locales! Il s’agit d’une page collective. C’est la société rassemblée-là qui l’a créée. La page ne m’appartient pas. Elle est à tout le monde.»
La citoyenneté en ligne
Le groupe collectif L’Écho de Cookshire-Eaton et de ses environs voit le nombre de membres grossir chaque semaine. En pleine pandémie de COVID-19, la population a plus que jamais besoin de se réunir. « Au Québec, il y a un siècle, chaque municipalité avait son lieu d’échange. Souvent, c’était un journal. Mais ça pouvait aussi être chez le marchand général ou chez le forgeron. On se retrouvait. On échangeait. Nous sommes à l’heure des moyens de communication, mais nous n’avons jamais été aussi éloignés les uns des autres! C’est étrange. À l’évidence, les gens ont besoin de projets communs. Ils sentent le besoin d’avoir des lieux à eux. En quelques semaines seulement, ce groupe autonome est devenu un vrai centre d’échanges pour Cookshire-Eaton et ses environs. Il vit et grandit seul. Je n’ai aucun mérite là-dedans. Mais les gens, eux, en ont beaucoup d’avoir réalisé ce qui leur manquait ! »
Plus qu’une page qui partage des moments d’histoire du Haut-Saint-François, c’est un exemple de participation citoyenne auquel L’Écho de Cookshire-Eaton et de ses environs vous convie. Et pour Jean-François Nadeau, c’est une question de solidarité et d’engagement. «Les gens sont inquiets de l’avenir des villes et des villages, de la façon dont nous sommes à les transformer. Ils comprennent que le béton et les centres d’achats, ce ne sont pas là les gages de l’avenir de l’humanité, de la suite du monde.» Comment débrouiller l’horizon de
l’avenir? «Il apparaît assez évident que le besoin est pressant d’être rassuré sur notre avenir commun. Il est beaucoup question de patrimoine et d’identité collective sur L’Écho de Cookshire-Eaton et de ses environs. Et ce n’est certainement pas juste pour le seul plaisir de parler du passé ou de vieilles choses. Parler des commencements d’une société, c’est parler de sa jeunesse. Et c’est une seconde jeunesse dont beaucoup de gens semblent en quête.»
Le patrimoine, une ressource fragile
Le Haut-Saint-François est une mine d’or pour le patrimoine, mais comme celui-ci, c’est une ressource non renouvelable. Quand on perd une maison, une église ou un bâtiment patrimonial, on ne peut les reconstruire. « À Cookshire-Eaton comme partout ailleurs, les démolitions se sont multipliées depuis des années, sans qu’on soit bien certain qu’une vision d’ensemble soit en vigueur. Je me souviens que mon grand-père, Aurélien Quintin, était désolé de voir le Dew Drop Inn, le magasin de M. Fraser, être démoli comme si ce n’était rien, comme si ce n’était pas important. Il disait ceci: « Si on laisse tout démolir, sur la rue Principale comme
ailleurs, cette ville n’aura plus de sens ». Pour lui, on ne pouvait pas se projeter vers l’avenir si on ne retenait pas les traces de son passé. C’était, à son sens, une condition fondamentale de l’existence collective. Je crois qu’il avait raison.»
Comme Jean-François Nadeau et comme plus de 1300 membres du groupe Facebook L’Écho de Cookshire-Eaton et de ses environs, partager, se réunir, échanger et s’instruire restent les meilleurs moyens de prendre conscience de qui nous sommes et de ce que nous voulons pour la suite du monde. En apprendre sur son histoire et préparer l’avenir commun, c’est bien là une nécessité à partager au Haut-Saint-François.
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